S. Huguenin u.a. (Hrsg.): Lectures du Journal helvétique 1732-1782

Titel
Lectures du Journal helvétique 1732-1782. Actes du colloque de Neuchâtel 6-8 mars 2014


Herausgeber
Huguenin, Séverine; Léchot, Timothée
Erschienen
Genève 2016: Editions Slatkine
Anzahl Seiten
413 S.
von
Éric Monin

Cet ouvrage collectif issu d’un colloque tenu à Neuchâtel du 6 au 8 mars 2014 et édité deux années plus tard aux Éditions Slatkine, permet sans commune mesure de renouveler l’historiographie sur une des principales gazettes publiées sous l’Ancien Régime en Suisse: le Journal helvétique. Réunissant seize articles de spécialistes des Lumières suisses et de chercheurs de divers horizons et précédés d’une introduction très substantielle des éditeurs Séverine Huguenin et Timothée Léchot, ces actes mettent l’accent sur l’ouverture interdisciplinaire et internationale que connaissent les domaines éditoriaux, la circulation des savoirs ou encore la réception des contenus autour de la gazette. D’autant plus que la rédaction du journal est prise en charge par des acteurs célèbres des Lumières que sont le savant Louis Bourguet, l’encyclopédiste Fortunato Bartolomeo De Felice ou le critique littéraire Henri-David Chaillet. Parmi les éditeurs, nous retrouvons les imprimeurs-libraires de la Société typographique de Neuchâtel.

Séverine Huguenin et Timothée Léchot, deux jeunes chercheurs lausannois, contribuent par leur très large introduction à montrer l’intérêt que peut constituer l’étude du Journal helvétique pour comprendre l’actua li té politique et littéraire contemporaine, tout en permettant également de se pencher sur la complexité de l’entreprise éditoriale au temps des Lumières: faut-il éditer un journal purement suisse ou s’ouvrir à l’Europe des Lumières, et notamment au marché parisien? Jean-Daniel Candaux parle déjà d’«helvétisation» dans les premières années de publication de la gazette, qui s’appelait alors Mercure suisse: paradoxalement, aucun ouvrage imprimé sur une presse helvétique n’est recensé en 1732 (sur 26 recensions cette année-là), alors que la recension demeure une des activités principales du journal.

Timothée Léchot, quant à lui, fait remarquer que les thématiques abordées par le journal ne sont pas que «sérieuses» : les rédacteurs prennent en effet un malin plaisir à alimenter leurs pages de logogriphes ou d’énigmes en vers, suivant ainsi la mode instaurée par la presse périodique du XVIIIe siècle, mais scindant le lectorat entre «partisans de la gravité helvétique et amateurs décidés du frivole» (p. 182), poussant les débats jusqu’à opposer les tenants d’une revalorisation d’une représentation négative du Suisse, comme elle s’impose à l’échelle européenne, à ceux qui appellent aux valeurs culturelles étrangères, terreau d’un enrichissement littéraire dont ils refusent de se priver.

Le colloque donne la part belle à la circulation des savoirs, notamment scientifiques (trois articles sur les cinq de cette partie). Jeanne Peiffer étudie les stratégies éditoriales instaurées par Louis Bourguet entre 1732 et 1742 afin de diversifier les publics cibles. Nous retrouvons ainsi cette dichotomie au sein du lectorat, déjà évoquée précédemment par Timothée Léchot, entre un public frivole, avide de «poésie, d’historiettes et de nouvelles curieuses» (p. 267-268) et un public désireux de retrouver une information plus technique: les femmes seront d’ailleurs automatiquement exclues du second lectorat.

Muriel Collart, quant à elle, s’intéresse à la météorologie par le biais du Dr Garcin, science naissante à laquelle le journal n’accorde pas moins de 360 pages sur les dix premières années de son existence. Il faudra attendre les années 1770 et notamment les travaux des Genevois Jean-André Deluc et Jean Sénebier pour que la météorologie fasse de nouveau son apparition au sein de la gazette.

Enfin, Miriam Nicoli s’attache à scruter les références à l’immunisation variolique au sein de la gazette, entre partisans et détracteurs. Le journal sert ainsi non seulement de relais d’information au grand public concernant une maladie mal connue, mais aussi à alimenter le débat entre les deux camps opposés.

Finalement, l’ouvrage se termine par l’article d’Alain Cernuschi, qui revient sur la publication au sein de la gazette d’un certain nombre d’articles de l’Encyclopédie. Passant d’un certain «malaise» lors du choix desdits articles, à une posture totalement pro-Encyclopédie sous l’ère De Felice, Alain Cernuschi montre toute l’ambiguïté se trouvant au sein du journal sur la longue durée, du fait de sa position intermédiaire entre Suisse et Europe, et des nombreux changements de rédacteurs au cours des années.

Toutes ces recherches, rendues possibles par le magnifique travail de la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne qui a numérisé les quelque 85000 pages d’articles couvrant les années 1732 à 1782, démontrent à quel point le Journal helvétique est une source riche et incontournable pour tous les chercheurs s’intéressant aux problématiques liées à l’édition, la réception et la circulation des idées dans la République des lettres au siècle des Lumières. Le magnifique travail de Séverine Huguenin et Timothée Léchot ouvre ainsi une voie à de nombreuses autres recherches, d’autant plus qu’il est prévu très prochainement de mettre à disposition des chercheurs un inventaire précis de l’ensemble des articles de la gazette.

Zitierweise:
Éric Monin: Séverine HUGUENIN, Timothée LÉCHOT (éds): Lectures du Journal helvétique 1732-1782, Actes du colloque de Neuchâtel 6-8 mars 2014, Genève: Slatkine, 2016. Zuerst erschienen in: Revue historique vaudoise, tome 125, 2017, p. 250-251.

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Zuerst veröffentlicht in

Revue historique vaudoise, tome 125, 2017, p. 250-251.

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